Entendons nous bien.
Je vis à Meknès, et je voterai
donc pour la liste emmenée par Abdellah Bouanou le 7 Octobre prochain. Mais
j’ai volontairement cité Abdelilah Benkirane dans le titre de mon article pour
lui rendre hommage.
Cet homme a très tôt compris les
subtilités de la politique marocaine, et il a bataillé longtemps à l’intérieur même
de son camp, d’abord en faveur du légalisme, puis pour fonder une association,
et enfin un parti.
Il a été taxé d’agent de l’Intérieur,
de makhzenien. Mais il a continué, imperturbable, jusqu’à ce que tout le
travail patiemment accumulé pendant 30 ans le fasse voler à la faveur des vents
du printemps arabe jusqu'à la Primature.
Installé chef du gouvernement, il
a su gérer en bon père de famille et résoudre des équations complexes. Les deux
dossiers de la compensation et de la retraite étaient des grenades dégoupillées
qui pouvaient exploser à tout moment. Elles avaient besoin d’un chef du gouvernement
assez légitime et assez courageux pour les mener. Benkirane fut cet homme.
En se posant en homme d’état et
non en politique frileux et/ou amorphe comme le furent en leurs temps Abbas El
Fassi ou Abderrahmane El Youssoufi, le Chef du Gouvernement s’attendait en
récompense à un coup de pouce de la Monarchie, à une aide sur d’autres
chantiers en faveur d’un parti exerçant le pouvoir pour la première fois.
Il n’en fut rien.
Des cercles du pouvoir prirent
ombrage de cet homme politique débonnaire mais fin, sachant réformer tout en
restant populaire, alternant mesures impopulaires en défaveur des plus riches (décompensation,
réforme des retraites) et mesures sociales populaires en faveur des veuves, des
étudiants ou des retraités.
Abdelilah Benkirane, en fin
connaisseur des arcanes politiques, sait qu’on ne peut rien obtenir de la
Monarchie sans la pression, et qu’on ne peut rien obtenir d’elle sous la
pression.
C’est un habile jeu d’équilibriste
qu’il joue.
Le Parti de la Jeunesse et du Développement
joue le rôle qu’ont joué l’Istiqlal, l’UNFP puis l’USFP en leurs temps. Comme
ces partis, le PJD se réclame d’une haute probité intellectuelle. Il dispose
d’une idéologie solide. Il est bien implanté dans la société. Il éduque les citoyens à la pratique politique
et sert de médiateur entre la population et la Monarchie. Son fonctionnement
est démocratique. Tous ces facteurs et leur absence chez ses adversaires font
que ce parti progresse, et que les autres reculent.
La Monarchie, bien qu’elle
proclame sa volonté de partis forts et démocrates, joue encore à l’heure
actuelle au « diviser pour régner ».
Mais la Monarchie doit comprendre
qu’est venu le temps de laisser les partis évoluer de manière indépendante, et
d’accompagner cette autonomisation par des mesures concrètes.
Une de ces mesures serait de
créer dans chaque région du Royaume une école de sciences politiques dont les
lauréats, formés au management public, auraient deux types de carrières
possibles : être les futurs cadres locaux et nationaux des partis
politiques ou être les futurs journalistes dont la tache sera d’évaluer localement
et nationalement l’action de ces cadres.
Une autre mesure serait de donner
des salaires de cadres aux élus des municipalités urbaines et rurales pour
qu’un fonctionnaire moyen, un commerçant, un avocat ou un artisan puisse - le temps
de son mandat - abandonner son métier d’origine et se consacrer pleinement à la
gestion communale contre un salaire convenable.
Là s’arrête le travail de la
Monarchie dans la gestion de la vie politique: tracer une route, un
« cursus honorum » aux futurs hommes politiques et élus du Maroc
décentralisé.
Le reste relève de la
responsabilité de ces partis et du choix des citoyens qui s’exprime dans les
urnes, lors d’élections libres, transparentes et régulières.
Abdelilah Benkirane, s’il est
reconduit à son poste voudra entreprendre de grandes réformes. Il devra compter
sur un Monarchie qui soit à ses cotés, comme lui-même fut du coté de
l’apaisement aux jours incertains du printemps arabe.
Lorsque la Monarchie a coopéré
avec le mouvement national, le Maroc a pu réaliser de grandes choses. Aujourd’hui
le mouvement national est représenté en grande partie par le PJD. Il faut donc
que la Monarchie le soutienne et le conseille.
Mieux, elle doit le donner en
exemple aux autres partis. Le PAM veut être un parti libéral ? Très bien.
Mais qu’il soit démocratique dans sa gestion comme le PJD. Qu’il possède des ramifications
sociétales bien profondes comme lui. Qu’il ait un socle idéologique solide
comme lui, avec des intellectuels pour prêcher la bonne parole libérale non pas
tous les 5 ans, mais à intervalle régulière comme c’est le cas au PJD.
Et si alors le peuple veut le
PAM, le PJD ne pourra que s’incliner devant le résultat d’élections sincères.
Et la leçon vaut pour tous les
autres partis qui doivent se renouveler et accepter la démocratie interne et
l’effort intellectuel continu. Il en va de leur survie et de la survie du
multipartisme au Maroc.
Le printemps arabe, transcription
de la soif de démocratie et d’égalité des citoyens arabes, ne fait que
commencer. Il ne s’arrêtera que lorsque la majorité des citoyens arabes auront accès
à la dignité.
Au Maroc, le Parti de la Justice
et du Développement est là pour rester.
Si Dieu le veut, si le Peuple lui
renouvelle sa confiance et si le Roi l’agrée, alors Abdelilah Benkirane sera
reconduit.
Et il sera alors de la
responsabilité de tous de l’aider à
mener à bien sa mission.